C'est à dis-sept ans que je l'ai rencontré pour la première fois Le surveillant général du collège Saint-Antoine, de Bordeaux, est venu me prévenir qu'on m'attendait au parloir. Un inconnu à la peau basanée, au costume de flanelle sombre est qui se leva lorsqu'il m'aperçut.
-je suis votre papa...
Nous nous sommes retrouvés dehors,par un après-midi de juillet qui marquait la fin de l'année scolaire. Il me souriait. J'ai jeté un dernier regard sur les murs jaunes de l'internat où j'avais moisi huit ans. Si je fouille plus loin dans mes souvenirs,
que vois-je? Une dame aux cheveux gris à laquelle il m'avait confié. Cette personne tenait avant la guerre les vestiaires du Frolic's (un bar, rue Grammont) et s'était retirée à Libourne. C'est là, dans sa maison que j'ai grandi. Ensuite le collège à Bordeaux. Il pleut. Mon père et moi nous marchons côte, sans dire un mot, jusqu'au quai des Chartons où habitent mes correspondants, les Pessac. Les après-midi passés chez eux comptent parmi les plus tristes de ma vie, je n'en parlerai pas.
P.Modiano "les boulevards de ceinture