La Chaleur des Souvenirs
C’est elle qu’il a demandée, elle, parmi toutes les autres qu’il avait connues, avec qui il s’était lié d’amitié, avec qui il avait joué et dont il s’était dérobé. Il n’a demandé aucune autre à ce moment critique de sa vie. Sans aucun souci de faiblesse ou d’humiliation, il l’a demandée « elle ». Elle seule. Après leur histoire d’amour avortée, après plus de vingt cinq ans de cette ancienne blessure qu’il lui avait causée, il a voulu baiser sa main et lui demander de lui pardonner.
Sa voix lui est parvenue faible, tel un appel perçu dans de vieux rêves. Elle a cru qu’il l’appelait d’une contrée lointaine, mais il lui a appris qu’il était au Caire, et la priait de venir le voir à l’hôpital.
Il était assis dans son lit quand elle entra dans sa chambre. Elle lui tendit la main pour le saluer mais il se pencha et l’effleura de ses lèvres. Elle s’assit auprès du lit. Un silence régna. Il regards son faible corps et dit avec amertume :
- Dans la force de ma jeunesse et de ma virilité je t’ai aimée.
Elle répondit : - Dans la force de ma jeunesse et de ma féminité je t’ai aimé.
Il avait la tête baissée. Elle le regarda et sourit. Elle ajouta : - Nous nous sommes connus en un temps où les chansons étaient romantiques, la musique douce, l’avenir plein d’espoir, la devise de l’Etat était : « Mon frère, lève haut la tête ».